Le libéralisme est une pensée philosophique avant d’être économique ou politique. A tous ceux qui ont des doutes sur la vocation morale et humaniste du libéralisme, l’histoire montre qu’il défend le respect des droits individuels fondamentaux. Si la philosophie des droits naturels, formulée par John Locke au XVIIe siècle donne au libéralisme ses premiers fondements, c’est Adam Smith qui évoque, un siècle plus tard, une main invisible du marché qui, assure la coordination des intérêts individuels et conduit à un résultat profitable pour tous, sans la présence d’un acteur qui ait eu à sa charge la responsabilité de l’intérêt général. L’Etat a pour seule fonction de veiller au respect des conditions de la concurrence pure et parfaite, de permettre l’exercice de la liberté individuelle et, le cas échéant, de pallier les défaillances. Les concepts de liberté et de responsabilité ne sont pas indépendants l’un de l’autre. Aucun des deux ne peut exister sans l’autre. En effet, on ne peut être responsable de ses actes que si on est libre de les commettre ou non. Réciproquement, si l’on veut respecter la liberté des autres, il faut assumer soi-même les conséquences de ses actes.

En Europe, la pensée libérale est ancienne et profonde. Elle a été illustrée par une pléiade de grands écrivains, parmi lesquels on peut citer: La Boetie, Montaigne, Montesquieu, Condorcet, Benjamin Contant, Jean-Batiste Say, Alexis de Trocqueville, Jacques Rueff, Bertrand de Jouvel, Raymond Aron, Guy Sorman.

L’origine du Cercle libéral remonte à l’une des périodes les plus agitées et sans doute les plus fécondes de la Genève moderne. Au milieu du XIXe siècle, ses murailles démolies, les mentalités évoluant, la Genève prospère de la Restauration se voit propulsée dans l’ère de la modernité et de la démocratie. L’un des principaux théoriciens du libéralisme politique, Benjamin Constant défend à la même époque un état minimal contre un état à pouvoir étendu et l’idée de la nécessaire séparation des pouvoirs pour assurer le respect des libertés.

Le 18 octobre 1851, septante-trois citoyens genevois décident de former une association dont l’objectif sera de développer des principes démocratiques. Quelques mois plus tard, le 19 janvier 1852, le Cercle national de Genève publie un manifeste dans lequel il expose l’esprit et le but qui l’anime. Sa fusion avec la Société helvétique sous le nom de Cercle fédéral apportera ses forces vives au Parti démocratique lorsqu’il verra le jour. En 1880, nouveau changement de nom. Le banquet de l’Escalade du 12 décembre 1881 réunit plus de deux cents citoyens parmis lesquels Gustave Ador, Eugène Richard, Ernest Pictet, Charles Boissonnas et Louis Micheli. La fête est double puisque le Cercle démocratique inaugure ses locaux à la rue de la Pélisserie 5. Jacques Rutty, son président, résume alors le programme du Cercle: “confiance et persévérance”.

Bien qu’un siècle et demi nous sépare, l’Escalade reste l’occasion privilégiée de réunir nos membres et ceux du parti, les représentants des associations libérales des autres cantons et tous ceux qui d’une manière ou d’une autre défendent le libéralisme. Au fil des ans, d’autres traditions se sont greffées sur notre dîner de l’Escalade comme la remise du prix Picot qui célèbre la mémoire d’Albert Picot, Conseiller d’Etat de 1931 à 1954, l’un des grands bâtisseurs de la prospérité de Genève. Ce prix honore, chaque année, celui ou celle qui a mieux porté nos idées libérales pendant l’année en cours. 

En 1885, le comité du Cercle démocratique, fraction la plus agissante du parti, nomme une commission pour traiter de la question de la représentation proportionnelle. L’essai pratique qui en sort sera source d’inspiration pour les autorités genevoises. De tout temps, le Cercle a été l’outil qui permettait au Parti d’approfondir de grands thèmes afin de garantir la prospérité de Genève. Il a été de tous les combats comme ceux pour la liberté religieuse, la représentation des minorités, la séparation de l’Eglise et de l’Etat, la représentation proportionnelle, les droits démocratiques, le fédéralisme. Rien ne peut remplacer l’action concrète. C’est pourquoi le Cercle libéral ne s’est jamais départi de son but premier d’être un lieu propice à la réflexion politique. Seule association libérale non rattachée à une région géographique du canton, elle regroupe aujourd’hui plus de 400 membres. Toujours soucieuse de remplir son rôle, elle organise, depuis de nombreuses années, des conférences-débats chaque premier mardi du mois dans ses locaux de la rue du Conseil-Général 14. Aux Mardis du Cercle sont abordés des sujets brûlants de l’actualité cantonale et nationale mais aussi des thèmes qui méritent une discussion ou un développement. Le rôle de la Suisse dans les processus de paix, les défis de la médecine et la politique de santé, la précarité à Genève, le développement des zones industrielles, les accords bilatéraux, la sécurité, la justice et la criminalité, les défis énergétiques, le secret bancaire, l’armée ont animé ses rendez-vous du troisième millénaire.

Au moment du 150e anniversaire, je voudrais faire un souhait pour l’avenir qui, je pense, garantira la continuité du Cercle libéral, non seulement en matière d’association affiliée au parti, mais aussi en termes de qualité de réflexion et d’influence dans la Genève d’aujourd’hui. Il existe peu de lieux où les débats soient totalement libres, sans enjeux de pouvoir. Le Cercle s’est particulièrement employé tout au long de ces années à établir un lien entre ses membres et ses sympathisants afin de permettre l’échange intellectuel et la discussion. Que les générations suivantes soient aussi persévérantes que les précédentes. Face aux défis que notre Genève devra relever, faites en sorte d’être toujours partie prenante du débat social, économique et politique.