Les libéraux n’aiment pas la routine! Peu soucieux de leurs archives et encore moins des dates, ils doivent avoir été nombreux, au fil du temps, à estimer que la tradition dont se nourrit le présent méritait peu de souvenirs tangibles! Aussi, le 150e anniversaire du Cercle Libéral nous conduirait à un exercice difficile s’il s’agissait de saluer dans les faits et gestes d’une institution ou d’en mettre en évidence quelques héros.

Il n’y a somme toute rien d’étonnant à cette situation qui n’encourage pas la commémoration et conduit plutôt à s’interroger sur ce qui reste de ce qui fut et ce qui nous le rend attachant aujourd’hui encore. La nature libérale est ainsi faite qu’elle n’a que peu de goût pour les structures. Ainsi y a-t-il eu plusieurs cercles au départ et ceux qui les animèrent partageaient à la fois une certaine méfiance à l’égard du pouvoir et une forte volonté de servir, comme citoyens, l’idéal auquel ils croyaient. 

Le libéralisme est bien plus un état d’esprit qu’une doctrine. Il ne constitue pas, comme certains voudraient le faire croire, un laissez-passer pour faire n’importe quoi. Etre libéral(e), aujourd’hui plus qu’hier, postule que l’exercice de la liberté, la sienne et celle des autres, ne se conçoit qu’avec celui de la responsabilité.L’une n’allant pas sans l’autre, il y a forcément des devoirs à assumer et des limites à s’imposer. Respecter ces valeurs n’est pas vraiment une sinécure.

Le philosophe Fernando Savater décrit fort bien, dans son ouvrage intitulé “Politique à l’usage de mon fils”, cette difficulté que chaque être humain peut ressentir à assumer pleinement liberté et responsabilité. Ainsi, écrit-il, “La liberté, c’est le contrôle de soi: ou bien chacun a auprès de soi un policier, un médecin, un psychologue, un maître, voire un curé, qui lui dicte dans chaque cas ce qu’il doit faire, ou bien nous prenons la responsabilité de nos  décisions et nous sommes de la sorte capables d’affronter les circonstances, pour le bien et pour le mal. Car être libre implique que l’on puisse se tromper et même se porter tort en faisant usage de la liberté: si pour être libres il ne doit jamais rien nous arriver de mal ou de désagréable… alors nous ne le sommes pas.”

Défendre cela n’est pas forcément populaire, celle et ceux qui se réclament des idées libérales le savent bien. Et pourtant, la tradition du Cercle, héritée du 19e siècle, devrait nous conduire encore et toujours à penser à ce que signifie, dans la société d’aujourd’hui, la fidélité aux valeurs de liberté et de responsabilité. Le quotidien ronge les idées, la tentation populiste les dénature. Nous avons plus que jamais besoin de lieux à la réflexion et le débat permettent à l’esprit de s’élever et aux actions de se nourrir de solides convictions. Les fondateurs du Cercle libéral lui avaient donné cette vocation, il ne dépend que de ses membres actuels que de lui permettre de la poursuivre!